Une femme en boubou aux couleurs vives s'active autour d'un large brasier posé à même le sol. Partout autour d'elle on retrouve une épaisse fumée mêlée d'une très forte odeur de poisson en décomposition. Elle tousse, se protège le nez avec un tissu puis scrute un instant ce paysage fait de détritus de papiers et de cabanes de fortunes qu'elle connaît si bien.
Cela se passe près de Rufisque au Sénégal, sur un ancien marécage coincé entre la plage et l'une des plus grande cimenterie d’Afrique de l'ouest. C'est ici que de petits groupes de femmes achètent le poisson frais, le fument, le salent et le sèchent pour le conserver, avant de le revendre perpétrant ainsi une tradition vieille de plusieurs siècles.Ce ne sont pas seulement de véritables chefs d'entreprises dont les produits se retrouvent partout au Sénégal et dans les pays limitrophes, mais aussi des mères sur lesquelles se repose toute la famille. Dans un pays où le poisson et la principale source protéinique animale, on comprend alors aisément pourquoi elles sont considérées comme l'une des fiertés nationales.
Mais ces dernières années, le poisson se fait de plus en plus rare conséquence de la surpêche traditionnelle et des chaluts légaux et illégaux asiatiques et russes.Sans compter l'implantation d'une dizaine d'usines coréennes vouées, à terme, à acheter le poisson pour le transformer en farine animale et le vendre sur les marchés asiatiques et européens.
C'est l'histoire de ces femmes courageuses à l'avenir plus que jamais menacé, qui tous les jours se battent pour s'occuper et subvenir aux besoins de leurs familles, s'acharnant à fumer et à sécher un poisson qui assure le sécurité alimentaire du plus grand nombre.